Une mine tournée vers l’avenir

Rencontre avec le président et chef de la direction
d’ArcelorMittal Exploitation minière Canada,
Mapi Mobwano

Image

image

Entré chez ArcelorMittal en 2019, Mapi Mobwano est ingénieur diplômé de l’Université de Witwatersrand et il détient un MBA de l’Université de Cape Town, deux universités d’Afrique du Sud. Il cumule plus de vingt ans d’expérience dans des mines de diverses exploitations (charbon, fer, cuivre, etc.). Marié et père de deux enfants, Mapi Mobwano est un adepte de vélo.

Depuis 50 ans, Mont-Wright a bien sûr connu quelques présidents. C’est Mapi Mobwano qui a pris le relais depuis bientôt cinq ans et nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de l’avenir de cette mine plus grande que nature.

Comme président et chef de la direction, comment vivez-vous ce 50ᵉ anniversaire du premier sautage au Mont-Wright?

Mapi Mobwano : Atteindre le cap des 50 ans pour une mine, c’est remarquable. Cela démontre le gisement de classe mondiale qu’est Mont-Wright.

Si je suis président en 2024, c’est grâce à la qualité du travail qui a été effectué par mes prédécesseurs, ainsi que celui des dizaines de milliers de personnes qui ont travaillé sur ce site exceptionnel depuis le début des années 70.

Voilà un lieu qui génère du travail et de la prospérité au Québec depuis 50 ans et qui continue de le faire. C’est tout de même phénoménal quand on y pense et on peut tous en être extrêmement fiers.

Quel bilan faites-vous de Mont-Wright depuis que vous êtes parmi nous?

Mapi Mobwano : J’en fais une lecture remplie d’espoir et d’optimisme. ArcelorMittal a investi des sommes colossales chez nous depuis cinq ans – et particulièrement à Mont-Wright. Précisément 1,35 milliards de dollars canadiens. Ces argents ont servi notamment à améliorer notre parc d’équipements mobiles pour soutenir la croissance de la production.

Nous avons consacré plus de 250 millions de dollars canadiens à la protection de l’environnement au cours des cinq dernières années, dont 85 millions pour la construction de l’usine de traitement des eaux Nipi, une réalisation d’ampleur dans la gestion des eaux de ruissellement de la mine.

En 2020, nous avions aussi 1 350 employés qui travaillaient sur le site et nous sommes plus de 1 500 aujourd’hui. Du côté de la santé-sécurité, on note zéro accident avec perte de temps dans les premiers six mois de 20241. J’y vois le signe qu’il y a une véritable culture de sécurité qui s’implante à Mont-Wright mais il demeure essentiel de continuer en ce sens et surtout, de ne jamais baisser la garde.

Globalement, je pense qu’on doit surtout se rappeler que tous nos efforts des dernières années ont été consacrés à mettre en place les facteurs qui assureront notre succès au cours des années à venir et ça, c’est positif.

Image

L’usine de traitement des eaux Nipi au Mont-Wright

Quels sont vos plans justement pour l’avenir de Mont-Wright?

Mapi Mobwano : On sait tous que l’environnement d’affaires dans lequel nous évoluons a changé. Nos concurrents ont changé. Le monde a changé. Et nous devons nécessairement nous adapter nous aussi pour être en mesure d’atteindre nos objectifs.

Le prix du minerai de fer est cyclique. Nous devons sans cesse chercher à nous améliorer pour être en mesure d’opérer dans un marché baissier. Car il faut garder en tête que lorsque les prix sont bas, ce sont les mines qui coûtent le plus cher qui écopent en premier. Une mine qui a 50 ans représente de grands défis en ce sens parce qu’il faut aller chercher le minerai de plus en plus en profondeur.

Nous devons mettre les bouchées doubles pour déplacer le stérile qui recouvre le minerai. Nous devons obligatoirement déplacer beaucoup de matériel pour avoir accès au minerai et ainsi assurer la pérennité de la mine pour les décennies à venir.

Nous avons la chance d’opérer dans une juridiction stable et prévisible mais qui est également très dispendieuse en coûts d’opération. Nous évoluons dans un marché mondial et il nous faut rivaliser en termes de coûts avec le Brésil, l’Afrique et l’Australie. Pour demeurer compétitif, nous n’avons donc pas le choix que de continuer de s’améliorer tout au sein de notre chaîne de valeur – de la mine au port, afin de produire la plus grande quantité possible au meilleur coût. C’est la recette qui a permis à Mont-Wright de célébrer 50 ans, et c’est la même qui lui permettra d’opérer encore pendant 30 ans.

Au cours des prochaines années, je crois que nous pouvons grandement nous améliorer dans notre procédé au concentrateur pour augmenter la récupération de fer. Notre plan est d’accroître nos taux de récupération de fer et de diminuer conséquemment nos rejets au parc à résidus.

Depuis l’ouverture de la mine, on estime en effet qu’environ 225 millions de tonnes de bon minerai ont été envoyées au parc à résidus. C’est environ 4,5 millions de tonnes par année depuis 50 ans! Je suis convaincu que notre croissance pour les prochaines années passe par de meilleurs procédés.

Comment se fait-il qu’il y ait autant de stérile à déplacer maintenant?

Mapi Mobwano : On doit ouvrir davantage la mine pour aller chercher le minerai qui est de plus en plus en profondeur.

Quand on regarde la mine, on voit plusieurs bancs qui forment des fosses de plus en plus profondes et étroites et on a pour ainsi dire atteint la fin de ces fosses si l’on conserve la géométrie actuelle. C’est pourquoi nous devons créer de nouveaux bancs qui nous permettront d’accéder, de façon stable et sécuritaire, au minerai qui est plus bas.

Pour ceux et celles qui sont familiers avec la topographie de Mont-Wright, les prochaines années se joueront au Mont Survie, dans les fosses A et E. En effet, c’est le Mont Survie qui garantira le roulement de la mine pour permettre d’ouvrir les fosses principales de South Hill et Paul’s Peak.

Vous êtes donc optimiste pour l’avenir?

Mapi Mobwano : Certainement! Je suis optimiste de nature et je suis confiant que nous avons mis en place tous les facteurs permettant d’assurer notre succès dans les prochaines années. Je crois en la prospérité de nos communautés, de leurs familles, à Fermont et à Port-Cartier.

Et on imagine que cette prospérité sera liée à la transition énergétique?

Mapi Mobwano : En grande partie, oui. La demande pour le fer de haute pureté place Mont-Wright dans le club sélect des rares endroits sur la planète où la roche est de plus en plus recherchée.

Pour comprendre la situation, il faut savoir que les aciéries traditionnelles utilisent depuis longtemps des hauts fourneaux pour transformer le fer en acier. Ces hauts fourneaux fonctionnent notamment au charbon, ce qui les rend très polluants.

Les fours à arcs électriques permettent quant à eux de réduire jusqu’à 50 % des gaz à effet de serre produits par ces usines, ce qui explique l’intérêt actuel des aciéries de convertir leur procédé, surtout dans les pays où l’électricité est abordable.

Image

Four à arc électrique. Source : ArcelorMittal Produits longs Canada

Ces fours à arcs électriques nécessitent toutefois l’utilisation d’un fer de qualité supérieure, qu’on désigne souvent par le « fer de haute pureté ». Et c’est justement ce fer que nous avons à Mont-Wright.

Nous sommes dans la fosse du Labrador, un territoire qui abrite l’une des plus vieilles roches de la planète et cette roche contient un minerai de fer de haute pureté. La qualité de la fosse dans laquelle nous puisons notre matière première nous permet par conséquent de nous positionner parmi les plus importants producteurs mondiaux de minerai de fer, dans le même club que le Brésil par exemple.

Les marchés reflètent d’ailleurs la rareté de cette ressource de qualité. On évalue que la demande pour les boulettes à réduction directe fabriquées avec du fer de haute pureté connaîtra une hausse de plus de 300 % d’ici 2050.

Est-ce que les gouvernements reconnaissent la valeur de Mont-Wright?

Mapi Mobwano : Absolument! La meilleure preuve en est que le fer de haute pureté figure maintenant dans la liste des minéraux critiques du gouvernement fédéral ainsi que dans celle des minéraux critiques et stratégiques du gouvernement du Québec.

Cela veut dire que le fer de la fosse du Labrador devient aujourd’hui une priorité nationale, au même titre que certains autres minéraux recherchés notamment pour la transition énergétique.

Et vous pensez que les marchés vont refléter votre optimisme?

Mapi Mobwano : Je le pense, en effet. L’industrie sidérurgique est devenue un acteur incontournable de la transition énergétique parce que l’acier à faible empreinte carbone est recherché dans tous les projets de décarbonation : les panneaux solaires, les éoliennes, les véhicules électriques, pour nommer les principaux. Au Canada seulement, pour devenir carboneutre d’ici 2050, nous aurons besoin de près de 115 millions de tonnes d’acier supplémentaires en plus des 15 millions qui sont consommées annuellement.

Image

Le Mont Survie

Que souhaitez-vous pour Mont-Wright dans les années à venir?

Mapi Mobwano : Je souhaite évidemment que nous réalisions tous nos projets. Que nous atteignions ensemble nos objectifs. Je souhaite aussi de la fierté chez les Fermontois et Fermontoises. Les gens d’ici contribuent à positionner le Québec parmi les leaders mondiaux de la décarbonation. Ils sont au cœur de grandes innovations dans l’industrie minière canadienne et mondiale. C’est immense ce qui se passe ici, au sens figuré comme dans la réalité.

Nous savons aussi que Fermont célèbre son 50ᵉ anniversaire et que la Ville a saisi l’occasion pour se doter d’un plan stratégique comportant trois orientations : mieux s’enraciner à son terroir, vivre son caractère nordique et chaleureux et s’affirmer comme ville innovante et prospère. Je souscris pleinement à cette vision parce qu’elle est solidement ancrée dans la réalité.

Je tiens également à mentionner les efforts que nous mettons de l’avant avec les Premières Nations et en particulier saluer nos partenaires de la Nation Innue de Uashat mak Mani-utenam. Nos opérations sont sur le Nitassinan et nous sommes reconnaissants de pouvoir opérer dans le plus grand respect des peuples et de la nature qui nous donne accès à ces richesses. On ne doit jamais perdre de vue que c’est en continuant de solidifier nos liens que nous arriverons à créer de nouvelles opportunités de collaboration.

Un dernier mot, monsieur le président?

Mapi Mobwano : Mont-Wright possède un riche héritage et son avenir sera prometteur si nous y travaillons ensemble. J’ai confiance que nous avons tout mis en place pour accomplir de grandes choses et assurer la pérennité de cette mine pour encore plusieurs décennies!

1 L’entrevue avec M. Mobwano s’est déroulée à la fin du mois de juillet 2024.Cet article est tiré du magazine Ressources Mines et Industrie. https://www.magazinermi.ca/.